« Les Dauphins : réparer aujourd’hui, inclure demain »

Rencontre avec Harold, Directeur Général des Dauphins
 

Q : Quelle est la mission des Dauphins ?

Harold : Notre mission est de procurer des emplois de rémunérateurs, valorisants et durables pour des personnes en situation de handicap, se trouvant de ce fait dans l'incapacité temporaire ou définitive d'exercer une activité professionnelle dans les conditions habituelles de travai en entreprise. 

Le caractère temporaire est fondamental : nous accueillons des personnes qui traversent une période de fragilité et qui pourront, avec le bon accompagnement, retrouver une place dans le marché du travail classique.

Nous ne sommes pas un lieu d’emploi protégé : nous sommes une véritable entreprise, ancrée dans l’économie locale, avec des activités professionnelles réelles et valorisantes.

On se lève le matin pour travailler, produire, contribuer à un projet collectif et créer de la valeur.

Mais nous évoluons dans un cadre où la mission sociale donne du sens à l’activité économique, et non l’inverse.

Q : En quoi votre approche se distingue-t-elle d’une entreprise classique ou d’une ETA traditionnelle ?

Harold :​ Chez nous, les travailleurs intègrent une entreprise ordinaire – simplement, nous allons plus loin dans certaines valeurs et démarches que d’autres organisations.

Nous sommes :

  • plus patients,
  • plus à l’écoute,
  • attentifs aux signaux faibles comme aux signaux forts,
  • prêts à adapter l’environnement de travail pour éviter un échec dans le parcours d’insertion socio-professionnelle.

Ce qui nous distingue peut-être le plus, c’est notre cycle et notre rythme : au quotidien, nous avons un rythme de travail comparable à toute entreprise, mais nos finalités se mesurent sur le long terme.

Nos équipes prennent le temps d’accompagner les personnes, non pas pour les maintenir chez nous, mais pour leur permettre d’évoluer, de progresser et de s’inscrire durablement dans un projet professionnel viable.

Chaque jour, nous mettons le travailleur face à sa responsabilité et à ses devoirs :

Je décide de venir travailler, donc je suis responsabilisé par rapport à l’impact de mon engagement.

S’il y a des difficultés, elles doivent être exprimées, et c’est le rôle de l’ETA d’adapter l'environnement de travail pour effacer les inégalités.

Mais ceci n’est pas un droit extensible à tous les domaines : la mauvaise volonté, l’individualisme, le manque d’engagement, la mise en danger de soi ou des autres n’ont pas leur place dans notre association.

Notre posture est donc à la fois bienveillante et exigeante.

Nous fonctionnons donc comme une véritable entreprise, mais avec un objectif humain qui structure chaque décision.

Q : Vous dites souvent que l’idéal de l’ETA, c’est de disparaître. Pourquoi ?

Harold : C'est un clin d'oeil provocateur, qui fait référence à l'idéale de la justice, ou aussi d'autre associations comme CAP 48 ou le Télévie. Si tout allait bien, nous ne devrions pas exister, mais malheureusement (ou heureusement) nous sommes là! Parce que nous jouons aujourd’hui un rôle de réparation dans une économie qui laisse encore trop de personnes au bord du chemin.

Les ETA (Entreprise de Travail Adapté, NDR) font un travail admirable avec des personnes qui resteront très durablement éloignées du marché du travail classique.

Nous, nous portons un idéal complémentaire avec nos administrateurs :

Si la société et les entreprises devenaient réellement inclusives, capables d’intégrer la diversité des parcours et des capacités, alors des structures comme la nôtre seraient peut-être moins nécessaires dans une économie véritablement équitable.

Et nous pourrions consacrer nos ressources à d’autres formes d’exclusion sociale, car il y aura toujours des personnes qui auront besoin d’un accompagnement spécifique.

Mais pour l’instant, notre responsabilité est claire : redonner un cadre, un rythme, une dignité, des compétences et un projet professionnel à des personnes fragilisées, et les accompagner – lorsque c’est possible et souhaité – vers l’emploi classique.

Q : Comment décririez-vous votre vision à long terme ?

Harold : Notre vision repose sur deux lignes majeures.

1. L’inclusion comme horizon

Nous voulons être un tremplin : permettre, pour celles et ceux qui en ont la capacité et l’envie, une réintégration progressive dans le tissu socio-économique classique, en sécurisant le parcours et en maximisant les chances de réussite.

2. Une économie respectueuse et durable

Nous cultivons une économie respectueuse, où l’environnement et l’humain passent avant la performance économique.

Nous n’utilisons d’ailleurs plus le mot performance : nous lui préférons l’idée d’un équilibre entre :

  • sobriété,
  • résilience,
  • robustesse.

Cet équilibre doit garantir à notre association un avenir économique équitable, soutenable et cohérent avec notre mission sociale.

Nous nous éloignons progressivement d’un modèle d’économie accumulative.

L’idée qu'il sera un jour possible de vivre mieux avec moins fait partie de cette vision : c’est une approche méthodologique, une manière d’orienter nos choix, notre gouvernance et nos pratiques, et non un slogan.

C’est un chemin vers une entreprise plus juste, plus sobre, plus durable.

Q : En une phrase, qu’est-ce qui rend Les Dauphins uniques ?

Harold : Les Dauphins, c’est une véritable entreprise avec des valeurs extra-ordinaires :

un lieu de reconstruction où l’activité économique sert d’appui à la dignité, à l’autonomie et à l’inclusion durable.

Propos recueillis par Nina Delcourt, le 25/12/2025